Boussole
Je suis originaire d’Ukraine. Une partie de ma famille y habite, à Khot’kivtsy, un petit village situé dans l’Ouest du pays, à plus de 700 km de Donbass, la région en guerre, depuis 5 ans. Pendant ces 5 ans, j’ai essayé en vain de comprendre pourquoi on a déclenché la guerre dans mon pays, pourquoi tant de jeunes soldats, issus de ma génération, ont dû sacrifier leur vie sur le front. Le projet du film de diplôme m’a permis de travailler avec ces inquiétudes qui hantent le peuple ukrainien, en occurrence la jeune génération. Je voulais retourner, après une longue absence à Khot’kivtsy, rencontre des gens et saisir comment a changé mon territoire. Je n’étais pas intéressée de faire un film sur la guerre de Donbass, mais plutôt de capter l’énergie de la guerre. Khot’kivtsy constitue un micro-univers qui contient les blessures, l’inquiétude, le désarroi qui engouffrent l’Ukraine actuelle. Les échos de la guerre s’abritent dans les pensées, dans les gestes quotidiens des gens. Ils s’abritent sur les murs et les fenêtres poussiéreuses des maisons. Ils flottent au-dessus de la rivière, au-dessus des champs de blé, au-dessus de la plaine où les vaches pâturent. Le dramatisme de ce lieu réside dans cette attente qui emprisonne les gens. Finalement, c’est quoi une guerre ? Et où se situe-t-elle ? Au-delà de la guerre réelle, chacun traverse sa propre lutte intime, invisible et lourde. Le filme travaille les distances, l’ici et l’ailleurs, le visible et l’invisible. J’ai décidé de laisser entièrement la parole aux enfants, les seuls qui arrivent à percevoir ce territoire au-delà des frontières, au-delà du drame.