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Green Boys de Ariane Doublet

Alhassane et Louka pourraient se connaître depuis toujours. C’est ce que donne à voir Ariane Doublet, dès le début de son film, en propulsant in medias res le spectateur dans le quotidien de balades et jeux en plein air des deux amis.

Pourtant, Alhassane, une grande perche de 17 ans, est arrivé depuis peu au Pays de Caux, cette Normandie où les douces pentes deviennent alliées des falaises rocheuses. Et son amitié avec Louka, de quatre ans son cadet, pourrait sembler impromptue… Non seulement Alhassane a l’âge qui sépare les jeunes hommes de l’enfance, l’âge où il faut se projeter dans les questionnements d’une vie adulte, mais surtout Alhassane a déjà éprouvé, en quittant son pays pour aller chercher « une vie plus tranquille », des questionnements qu’une vie d’adulte n’est même parfois jamais amenée à connaître.

Dans cette histoire d’amitié, peu importe comment le lien s’est construit. L’intérêt est ailleurs, dans l’apprentissage réciproque, l’un au contact de l’autre… Comment se rassurer et vivre, au milieu de cette vie immense, remplie d’obstacles et de dangers ? Alors qu’Alhassane tente de suivre Louka dans un pâturage, son corps, trop grand, se prend dans les barbelés. Il ne faut pas voir en cela une métaphore, mais une manifestation très simple du corps en faiblesse car livré à lui-même et à ses propres caractéristiques. Elle trouve une réciproque lorsque Louka découvre son ami en haut d’un arbre, et, étant petit, se retrouve contraint d’attendre ses indications pour pouvoir grimper avec lui. Lorsque les deux compères sont arrivés en haut de l’arbre, la caméra s’éloigne, prend son envol jusqu’à filmer la mer et l’horizon.

Mais l’aisance, dans cette éternité qu’est la vie, n’est que passagère. Dans une autre séquence, la construction d’une cabane est brusquement interrompue par l’heure de la prière pour Alhassane. Louka attend et regarde Alhassane, gêné. Ses yeux papillonnent tandis que son ami l’invite à participer. Louka refuse, reste sur le côté, tiraillé entre la curiosité et le trouble.

Bien que le film montre davantage l’impact de ce partage pour Alhassane – le film se clotûre sur l’amorce d’une nouvelle vie pour lui –, la force du film d’Ariane Doublet est de maintenir, par-delà la différence d’âge et de parcours de vie, un pied d’égalité. Le monde de l’enfance, du jeu et de l’éveil à la vie est plus adulte que jamais.

Lou-Andréa Désiré

  • Prochaines projections : mercredi 20 à 14h30, vendredi 22 à 19h