Interview d’Alain Della Negra et de Kaori Kinoshita pour TSUMA MUSUME HAHA
Votre film, derrière la reconstruction personnelle d’hommes japonais grâce à l’amour qu’ils projettent sur une instance féminine objet ou virtuelle, raconte aussi les nouvelles fractures que connaît la société japonaise…
K.K. : C’est une évolution sociale dont j’avais absolument envie de témoigner. Je l’observe depuis longtemps. En 96, j’ai quitté mon pays, le Japon, et déjà il y avait le début d’une crise. Je suis revenue par la suite régulièrement, et à chaque fois, l’évolution était plus saisissante… Il y a eu la crise de 2008, qui a eu un impact décisif, là-bas aussi.
A.D. : Sans oublier Fukushima…C’était la première chose que nous souhaitions raconter, mais nous ne savions pas sous quel angle. Ce n’est qu’après que nous avons pensé à passer par ces nouvelles formes d’amour, pour les montrer comme une tendance révélatrice de l’état de la société japonaise.
Vous arrivez à faire interagir de manière très riche l’intime et le social.
K.K. : Le plus important pour nous, c’était de garder cette articulation entre la ville et l’appartement confiné dans lequel habite le personnage principal.
A.D. : Ce sont des trouvailles de mise en scène. En filmant un monde sans femme, nous avons dû repenser nos cadrages dans les lieux publics. Tout de suite, cela donne à voir des représentations sociales très marquées.
Ce qui est incroyable, c’est la manière dont vous arrivez à être proches de vos personnages.
K.K. : Ce sont des personnes qui cherchent l’amour, et pour cela, nous voulions surtout montrer leurs âmes. Et il y a aussi le fait que nous sommes allés chercher des personnes qui désirent se montrer, qui jouent déjà au quotidien avec le procédé de mise en scène.
A.D. : En leur proposant une situation fictionnelle [un monde sans femme], ils ont joué le jeu et nous les avons suivis.
Recueilli par L.-A. D.