QUAND JE SERAI DICTATEUR
Qu’est-ce que faire l’autobiographie des autres ? Comment raconter l’histoire la plus intime qui soit – l’amitié de la narratrice avec Georges, sa folie, sa disparition – avec les bandes 8mm et super 8 d’illustres inconnus ? Profuse et espiègle, la réponse arrive dès le titre, alliant un substantif que nous associons, en nos contrées, au passé et au collectif (« dictateur ») à une première personne du futur. Nous voici entrés dans un univers où la virtuosité du montage démultiplie la réalité en une pluralité d’univers potentiels. A l’inverse des maquilleurs de faux en document qui pullulent dans la nébuleuse documentaire, Yaël André distille le home movie pour en extraire l’élan romanesque. Le détail le plus quotidien est ici empreint d’une étrangeté diffuse, et le sourire d’un nouveau-né qu’on jure avoir vu mille fois émeut à nouveau, cliché soudain décapé. Dans cette traversée des sept dernières décennies, la grande Histoire fait de la figuration, mais à la faveur d’associations souterraines entre les plans et le texte off, le deuil de l’ami peut entrer en collision avec les derniers feux de la colonisation belge. Qu’on ne s’y trompe pas, la forme est d’autant plus ludique et le ton plus enjoué que l’enjeu est affaire de vie ou de mort psychique : accepter de n’avoir pas d’autre vie que la sienne. (Charlotte Garson)
Morituri Films
Yaël André; Luc Plantier
Sabrina Calmels; Frédéric Fichefet; Julie Brenta
Didier Guillain
Morituri Films