Ala hafet alhayat
À travers des conversations par Skype avec ses parents et des bribes de journal intime filmé, le cinéaste, exilé en Turquie « comme au bord de la vie », évoque la Syrie qu’il a quittée et où son frère a été tué par un obus.
« Plus près !… Plus loin… Là c’est flou, recule… Là tu es trop loin ! » : l’impossible accommodement visuel que le père du cinéaste, devant sa webcam, tente d’atteindre lors de leur conversation sur Skype, est placé en exergue de cette chronique autobiographique d’un déracinement décuplé par le deuil. Est-il possible pour Yaser Kassab de trouver la bonne distance avec la Syrie, qu’il a quittée sous les bombes et où son frère a été tué par un éclat d’obus ? Sourds à ses demandes qu’ils partent à leur tour, ses parents, dévastés par le deuil, dépassent les conversations banales pour se confier, comme jamais sans doute ils ne l’auraient fait dans d’autres circonstances. Réfugié en Turquie, le cinéaste y a trouvé avec sa compagne un travail qui donne au film son décor étrange : la halte autoroutière qu’ils entretiennent ensemble, semi-déserte, reflète leur vide existentiel. En mêlant ses conversations à distance et les bribes de son journal filmé, Yaser Kassab expose un « je » tiraillé entre un trop-plein de drame et un quotidien sans événement. Ce tressage restitue de manière convaincante – et honnête – l’essence même de l’exil : une vie « au bord de la vie, hors du temps et de l’espace ». (Charlotte Garson)
Yaser Kassab
Yaser Kassab
Bertrand Larrieu
Yaser Kassab
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