Vetal nagri
En Inde, dans la région du Gujarat, un homme sillonne les rues de Vadodara la nuit. La lecture d’un journal qu’il tend aux habitants réactive leur mémoire des djinns et des fantômes du cru.
Dans les rues de Vadodara, dans l’État du Gujarat en Inde, un homme parcourt la ville à moto, s’arrête et tend un journal aux artisans des rues. Feuilleter cet illustré – où le cinéaste et son ami gujarati ont recueilli des histoires de fantômes locales – déclenche en eux l’envie de raconter. Victimes de possessions ou simples témoins, ils se lancent dans le récit sans cesser leur activité, tel le marchand qui fait l’article des « couleurs pour divinités » et du « colorant pour glace au chocolat ». Souvent, un frère ou un cousin renchérit, précisant avec une acuité topographique confondante les lieux des apparitions. Un intermède montre deux employés qui impriment le journal du début en testant la quantité d’encre dans la rotative – comme si de sa consistance dépendait l’épaisseur des ombres et des djinns. Vetal nagri entrecroise ainsi un travail sur l’atmosphère d’un lieu et la collecte de la tradition orale. Au cœur de la nuit surgit parfois une jeune femme qui tend une image translucide de la Quita del Sordo de Goya devant elle, en des plans aussi mystérieux que les figures du Roi Vikram et du Vampire-conteur Vetala dont s’inspire le film. Léandre Bernard-Brunel et son narrateur sans visage n’ont pas leur pareil pour restituer une sociabilité postée sur le seuil, laissant circuler de manière fluide la parole entre intérieur et extérieur, quotidien et fantastique, veille et sommeil, conjuration et invocation. « Personne n’ose entrer si tout reste ouvert… » (Charlotte Garson)
Corinne Castel; Logique Nouvelle
Yannick Kergoat
Théophane Bernard-Brunel
Léandre Bernard-Brunel