Ici je vais pas mourir
Ici, c’est la « salle de consommation à moindre risque », la salle de shoot, qui a ouvert en octobre 2016 dans un bâtiment de l’hôpital Lariboisière, à Paris. C’est un lieu dont le film ne sort pas, sinon quelques secondes sur un bout de trottoir, aux portes du générique. Un plan ou deux suffisent à désigner l’extérieur, pour rappeler l’hostilité d’une partie des riverains – un panneau « Non à la salle de shoot », entr’aperçu, ficelé à une fenêtre. Et c’est à ces riverains qu’il faudrait montrer Ici je vais pas mourir en premier lieu, les guérir de leur peur par la fraternité doucement dessinée par le film, leur donner surtout à entendre cet usager aux yeux embués par la fatigue et qui explique, simplement : « Nous-mêmes on fait du mal à nous, on va pas faire du mal à quelqu’un ». Le lieu est blanc hormis quelques meubles fonctionnels, et sa neutralité un peu aveuglante est presque pour le film celle d’un white cube, un lieu effacé pour en laisser voir un autre, sans contours et bâti seulement par les mots auxquels Cécile Dumas et Edie Laconi donnent libre cours : celui de la défonce comme maison, comme pays, de ceux qui sont à la rue et à qui la salle offre repos, soins et considération. Le minuscule port d’attache de la salle de shoot devient ainsi pour le spectateur une précieuse salle d’écoute, pour comprendre que ce pays lointain où se sont perdus Bilal, Janusz ou Hervé, ne lui a en vérité pas grand-chose d’étranger.
Jérôme Momcilovic
Vincent Gaullier (Look at Sciences)
Edie Laconi
Cécile Dumas
Charlotte Tourres
Look at Sciences, Vincent@lookatsciences.com