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Walden de Daniel Zimmermann

Derrière l’exigence de sa structure, Walden cache un conte, dont on lirait les images en treize panoramiques comme se parcourt un rouleau de shanshui.

En ce sens, le premier plan du film est d’une grande beauté : planté bien droit au cœur d’une forêt, dévoué à son déroulement linéaire, il quitte le sol, se perche dans les arbres, n’obéit qu’à la rigueur de son panoramique qui trace sa ligne sans suivre celles du relief. Et, ainsi, construit une topographie hors-champ, en laissant deviner où la terre se défausse. Premier segment d’une grande sensibilité, fidèle au présage de son titre : renouer avec une nature originelle.

Pourtant, dès le second plan, Daniel Zimmermann abandonne cet aspect de son dispositif. Il laisse Thoreau dans la forêt autrichienne, et gagne les autoroutes, les parkings, les terrains de tennis. Platitude artificielle qui ne se dérobe jamais à celle du mouvement de caméra, mais n’en construit pas moins de nouvelles attentes : celle de voir surgir dans le plan, soudainement, l’épaule d’un ouvrier, un camion, un train, un bateau. Autant de façon implacables de transporter la forêt toujours plus loin de l’ouverture, dans un autre panoramique, un autre paysage, et surtout une autre forme.

Contre sa promesse initiale, Walden est finalement un film sur le dénaturé, puisque dénaturation du dispositif, abandon de la forêt, et transformation des branches en planche. Zimmermann fait le pari, dans cette série de paysages à scruter – en particulier avec son ouïe – d’une œuvre où le montage lutterait contre le déploiement de l’unité-plan. Où image et son deviennent appropriation de l’espace, le découpage est dépaysement, sans cesse.

Walden, fable sur la mondialisation qui nous raconterait très simplement, comme un constat tragique, le voyage d’un arbre d’un continent vers un autre.

– Charles Herby-Funfschilling

  • Prochaine projection : jeudi 21 à 21h15