C’est quoi ce travail ?
Dans l’usine PSA de Saint-Ouen, Nicolas Frize, compositeur en résidence, prélève des sons. C’est à la rencontre de son travail et de celui des ouvriers que le film invite. Intuitive, unique et éphémère, l’œuvre musicale qu’il composera à partir de cette collecte peut-elle sans obscénité être rapprochée de l’emboutissage à la chaîne ? Les réalisateurs répondent par un choix de montage fort qui instaure une écoute mutuelle et ouvre à une interrogation sur le travail en général. Parole off et gestes d’ouvriers sont superposés en bonne intelligence, en une magnifique succession de portraits. « J’essaie de me mettre à la place de la pièce […] comme si j’étais dans la matière », dit un travailleur. Satisfaisant ou douloureux, le geste engage le corps et la conscience dans une relation à la machine (« Je comprends toutes ses réactions. ») et au temps. La précision sensible des propos contraste avec l’environnement bruyant et répétitif. Les tâches les plus aliénantes ne sont-elles pas ainsi idéalisées? La question, qui se posait aussi pour Que ta joie demeure de Denis Côté (à Cinéma du réel en 2014), est écartée par un outilleur aux idées claires : ici, il n’est pas question de fabriquer des prototypes. Sans créditer le travail à la chaîne d’une part créatrice, le film s’attache comme Nicolas Frize à en restituer une expérience intime. Intimité, c’est d’ailleurs le titre du concert qui se prépare… (Charlotte Garson)
Franck Littot
Arnaud de Villers
Sébastien Jousse
Shellac sud / TEC/CRIAC
Shellac