CINZAS E NUVENS

Le portrait de plusieurs femmes, dans leur travail saisonnier de surveillance des incendies au Portugal. Le film s’approche de leur respiration, du temps qui passe et de la solitude, de l’intérieur.

Quelque part dans la campagne portugaise, pendant l’été sans doute : une vie en suspension entre cendres et nuages. Dina, Adriana, Helena et quelques autres, ont pour mission saisonnière de veiller sur le paysage, depuis l’une des 280 tours réparties sur le territoire en prévention des feux de forêt. Des incendies, on ne verra pourtant rien (tout juste un panache de fumée blanche, sitôt et dûment signalé), car le film se réserve pour les temps morts qui font le quotidien étale de ces discrètes sentinelles. Bercée par une entêtante rumeur où se conjuguent vent, bruissements d’insectes, aboiements lointains et crépitements de talkies-walkies, leur intransigeante activité d’observation a quelque chose d’une noyade infinie dans le paysage et dans le regard lui-même. Gardée à vue, la nature aveugle semble les guetter en retour. Elle n’est pas la seule. Outre le centre de contrôle où converge le travail de toutes ces vigies, il faut compter avec le spectateur, lui-même entièrement requis par le miracle anxieux du regard. D’une aube aveuglante à un crépuscule giflé par le vent, la caméra Bolex filme au plus près des guetteuses, tout contre leur œil sans repos et leurs gestes cent fois répétés, et pourtant c’est comme si on les observait à la longue-vue : muettes, saisies souvent à travers les vitres nacrées de leur cabine, comme entièrement repliées sur le mystère de leur solitude alerte, elles semblent elles-mêmes un paysage lointain au bord de partir en fumée.

Jérôme Momcilovic

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