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Dans l’œil du chien

The Dog's Eye
Laure Portier
2019 France 38 minutes Français
DR
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La grand-mère, qu’un premier plan sans fard montre assise sur son canapé dans un ronron de frigo, voûtée sous le regard têtu du film, chassant de rares mouches pour soulager le malaise que lui coûte la caméra, la grand-mère, donc, est malade. C’est une maladie qui lui mange le visage : comme si, petit à  petit, elle s’effaçait. Et si la petite fille filme, c’est évidemment pour embaumer dans l’image la grandmère qui va mourir. Mais d’une façon qui donne l’impression que le film voudrait lutter contre la maladie à armes égales, en cannibale. C’est un portrait littéralement dévorant, qui va chercher au fond des draps et des pèlerines l’odeur chaude de la vie persistante, toucher par la main de la petite fille celle de la grand-mère à la peau quasi-translucide, regarder à s’user l’œil le visage dont la blessure, à force de regard, s’oublie. Cette blessure est pour la cinéaste une question entêtante, et la mort à travers elle une énigme charnelle, dans laquelle il faut plonger les deux mains. C’est ce que dit, avec autant de brutalité que de noblesse, une scène admirable où Eustache revient deux fois (par la grand-mère, par le cochon), Eustache auquel on pense ici presque autant qu’à Pialat. Car tous deux savaient, comme le sait Laure Portier face à  sa grand-mère, qu’il faut être cru pour aimer, et qu’on ne réussit un geste d’amour comme Dans l’œil du chien qu’à la condition de ne pas retenir la cruauté de son regard. Prince, le chien, n’a pas cette chance : dans son œil fidèle, la mort est la plus aveuglante des énigmes.

Jérôme Momcilovic

Production :
Gaëlle Jones (Perspective Films), Julien Sigalas (Stempel)
Image :
Laure Portier
Son :
Zied Mokaddem
Montage :
Julie Brenta
Contact copie :
Perspective Films, contact@perspectivefilms.fr

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