DEPORTADO
Comment s’enraciner au pays de ses racines ? Le paradoxe n’est qu’apparent pour les expulsés d’Amérique qui, résidents aux États-Unis où ils vivent parfois depuis l’âge tendre, retrouvent soudain la terre de leurs ancêtres açoriens pour cause de « double peine ». Deportado explore les conséquences d’un changement législatif de 1996 qui autorise l’expulsion automatique des détenus, guère informés au moment où le parquet les encourage à plaider coupable. Jamais pourtant Nathalie Mansoux n’emprunte la voie du documentaire argumentatif. La force de son film tient dans le contraste sidérant entre les paysages ouverts, presque paradisiaques, de l’archipel portugais et l’absence d’horizon vital à laquelle les ex-détenus sont confrontés. Guide touristique, « atelier énergie » et antidépresseurs à gogo au foyer, tout semble programmé pour faire oublier les barreaux invisibles. Mais la vacuité que restituent les cadrages et le montage, les moments de suspension temporelle qui disent le désœuvrement psychique, rendent au ras des sens l’archaïsme de cette expulsion. Privés de leur réseau familial qui subsistait lorsqu’ils étaient en prison, les Luso-américains de Deportado rappellent douloureusement les bannis de la Grèce antique. (Charlotte Garson)
Raiva, Films du Grain de Sable, Terratreme Filmes
Justine Lemahieu
Miguel Moraes Cabral
João Pedro Plácido
Nathalie Mansoux