DILIM DÖNMÜYOR
Que signifie revenir, quand les racines n’ont presque plus de sens pour les premiers concernés ? En prenant l’initiative de filmer longuement le village de ses ancêtres maternels et d’y refaire momentanément habiter ses grands-parents, Serpil Turhan force la « destinée » qui, aime à lui dire sa mère, « n’est pas de mon côté ». Autrement dit, elle se plonge contre la volonté de ses parents kurdes de nationalité turco-allemande dans un monde dont ils ont détourné le regard. Un échange presque absurde de sa grand-mère avec une habitante (« C’est un chien. – Non, un renard ») résume de façon burlesque le porte-à-faux de cette remémoration à contretemps. Pour la jeune réalisatrice, la mise en branle de la parole des grands-parents donne une épaisseur insoupçonnée à de rares photographies familiales, entre autres concernant la nature du mariage de ses parents. Par contraste avec le paysage escarpé et lumineux de l’Est turc, l’exiguïté de l’intérieur berlinois où la cinéaste questionne ses parents souligne qu’une identité ne saurait se définir par un paysage retrouvé, fût-il aussi splendide qu’Erzincan. Aux ruines du hameau se substituent celles, plus intensément douloureuses pour Serpil Turhan, de la langue kurde que ses parents lui ont à peine transmise. Une approche pudique, et éminemment personnelle, d’une « kurdité » elle-même plurielle dans ses langues et ses courants religieux.
Charlotte Garson
Serpil Turhan
Eva Hartmann
Serpil Turhan
Serpil Turhan
Serpil Turhan