Doux amer
Qui n’a pas, un jour, fait ce mauvais rêve ? « Le médecin m’a appelé un matin… Il m’arrive quelque chose. Quoi exactement ? J’ai peur. » Le journal filmé que Matthieu Chatellier commence quand, à 33 ans, il se découvre diabétique, tient à la fois du documentaire médical, de la lettre d’amour et du home movie. C’est aussi un testament, mais un testament paradoxal, car si les sucres corrodent les organes « comme de l’eau de mer sur une carrosserie », la mort est loin d’être certaine. Aussi le récit oscille-t-il entre tragédie et humour, entre contamination du quotidien par les nouveaux rituels et respirations rythmiques de plans apparemment gratuits, tels ces adolescents à la fête foraine près d’un stand de barbe à papa (aliment désormais proscrit). Dans ce film-album bruissant d’une créativité qu’on dirait décuplée par l’angoisse, les rêves sont narrés en dessins découpés éclairés à la lampe de poche. Les modulations de la voix off – parfois confiée à un perroquet enregistreur – font ondoyer Doux amer entre les pôles de son titre. L’attention soudain portée à son propre corps change le regard du cinéaste sur sa femme et ses filles. Des cheveux blancs aux dents qui bougent, les corps aimés apparaissent désormais vulnérables. Quoi, sinon l’amour, pour faire tenir ensemble nos amas d’organes corruptibles ? (Charlotte Garson)
Cécile Lestrade; Alter Ego Production; TV Tours
Matthieu Chatellier
Matthieu Chatellier