Fovea Centralis
Point focal de la rétine qui permet une vision nette mais dans un champ limité, la partie de l’œil qui donne son titre au troisième volet de la trilogie de Philippe Rouy sur les images de la catastrophe de Fukushima souligne la vision à la fois panoptique et parcellaire du found footage particulier qu’il retravaille. Il s’agit des visioconférences qui ont eu lieu dans l’entreprise exploitant la centrale de Fukushima dans les semaines qui ont suivi la catastrophe de mars 2011. Contrainte de rendre publics ces enregistrements, la société Tepco les a floutés en maints endroits et a censuré de nombreuses paroles. Les instructions techniques de masquage («nivellement des contrastes, dilution des contours, désaturations ») finissent par métaphoriser malgré elles l’indicible dénaturation qu’a produite l’explosion. Proche des remontages et détournements d’un Harun Farocki, Philippe Rouy fait revenir dans des images contraintes et tronquées d’insistantes présences antomatiques. La musique de Julie Läderlach et Loïc Lachaise contribue à l’oscillation entre brouillard et opalescence qui caractérise autant la perte de vision progressive des irradiés que la description d’un ectoplasme par Pierre Curie dans une lettre où il s’avoue convaincu par une séance de spiritisme. Rêves, médiums, propagande : les torsions de la vision conspirent à une « évaporation de l’homme », selon le titre du film de Shohei Imamura qui, en 1967, questionnait à la fois le phénomène des disparitions volontaires dans la société japonaise et l’aveuglement du cinémavérité. (Charlotte Garson)
Philippe Rouy
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