GO FORTH
Aller de l’avant : le titre laisserait un goût amer si le film de Soufiane Adel ne consistait qu’à intercaler des archives super-8 tournées par le père d’une amie en Afrique noire avec la mémoire d’aïeuls algériens blessés grièvement pour la France aux cours de mainte guerre. Dans ce rapprochement, c’est en effet un retour critique sur un passé colonial français encore à vif qui se donne à voir et à entendre. Mais dans ce film à la première personne française et arabe, la charmante septuagénaire parle bientôt d’action politique, délaisse le français pour le kabyle. L’air de rien, les détails de fabrication de la ceinture traditionnelle qu’elle confectionne s’offrent en traité formel pour le cinéaste, attiré par tout ce qui peut « s’incruster » dans son témoignage – fût-ce la parole de ses jeunes oncles, qui tiennent à commenter les propos de leur mère, ni in ni vraiment hors-champ. Quant aux plans sur les grands ensembles architecturaux de banlieue, devenus topoï du documentaire autobiographique postcolonial, ils se parent ici d’une ambition nouvelle, par le choix radical de les avoir tournés au moyen d’un drone. Dans l’alternance entre la parole de la grand-mère, les archives hétérogènes et la vision inédite et non-sociologique de la banlieue (on ne voit jamais ainsi les HLM à l’œil nu), une transaction s’opère entre ce qui a été donné, volé, abandonné, ressaisi. Aussi le mouvement forward du titre sonne-t-il finalement comme l’élan d’une repossession. (Charlotte Garson)
Aurora Films
Jeremy Gravayat
Soufiane Adel; Philippe Gourdain
Aurora Films