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Incandescence des hyènes

Nicolas Matos Ichaso
2021 France 54 min
DR
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En Éthiopie, les forgerons de Harar ont la réputation de se transformer en hyènes, pour rôder dans la vieille ville. Une plongée dans le travail des ferronniers éthiopiens, déclassés socialement, avec en toile de fond la beauté nocturne de Harar et sa passion pour le khât. La nuit, derrière la modification des corps au travail et la possible métamorphose des forgerons en hyènes, naît un basculement du réel.

Passé un prélude diurne, Incandescence des hyènes se déploie intégralement au cœur de la nuit d’Harar, en Éthiopie. Dans la pénombre rougeoient des braises ; des forgerons y fourrent du métal pour mieux le façonner. Le film construit une symphonie sourde de couleurs et de sons, propres à ce moment de la ville et de la nature qui la borde. Le vert des feuilles de khât s’envole du marché pour aller éclabousser les murs de la case où elles sont consommées. L’éclairage des rues dédouble la figure du forgeron marcheur en silhouettes voisines. Le son des coups de marteaux se répand partout, mais lorsque l’on s’approche de l’atelier, c’est le vacarme du feu qui accapare l’esprit. Nicolas Matos Ichaso écoute le silence des forgerons et observe leurs gestes, selon une approche symboliste plutôt qu’anthropologique, qui en extrait des formes et des rythmes. Le travail est détaché de sa fonction, représenté comme un présent qui anime le corps, le tend, lui donne une cadence. Le khât psychotrope le leste et l’élève aussi, jusqu’à la transe. L’organisme lui-même est morcelé, séparation du tout qui lie chaque partie aux éléments qui l’entourent et à la lumière qui la modèle. Ainsi s’opère la jonction avec le mythe selon lequel les forgerons du cru se transforment en hyènes la nuit venue. L’atmosphère dans laquelle hommes et animaux baignent est si épaisse qu’elle convoque des glissements impromptus d’un règne à un autre. Des cris annoncent l’apparition des bêtes, et un poème en déploie la puissance mythique.

Olivia Cooper-Hadjian

Production :
La Fabrica Nocturna Cinéma
Image :
Nicolas Matos Ichaso, Mehdi Baouzzi
Son :
Nicolas Matos Ichaso, Arthur Moget
Montage :
Camille Mouton