JE NE SAIS PAS OÙ VOUS SEREZ DEMAIN
Reem est médecin généraliste au Centre de Rétention Administrative de Marseille. Des hommes se succèdent devant elle. Leur vie est suspendue et personne ne peut prédire où ils seront envoyés demain. Auprès d’eux, Reem tente malgré tout de tenir une ligne de soin, de respect et d’écoute.
Reem est médecin et exerce au centre de rétention administrative du Canet, à Marseille. Elle soigne et accompagne des hommes détenus dans ce CRA. Le film, composé de quelques consultations, restitue son écoute. Les récits qui débarquent dans ce cabinet racontent une détresse physique et morale indéfinissable à laquelle l’institution ne donne aucune réponse. Ce centre semble servir à broyer les imaginaires d’une vie possible en France et les quelques récits qui nous parviennent suffisent à raconter toute la violence de la politique migratoire française. À chaque nouvelle consultation, Reem répète : « Je ne suis pas la police, je suis l’hôpital. » Mais que faire face à un monde qui a choisi la police comme institution majoritaire ? Ici, c’est la police qui est le mieux outillée et dont l’idéologie domine. Par la répression et l’autorité abusive. La médecin doit alors sans cesse réinvestir son engagement et soigner au sein d’un lieu dans lequel on ne peut pas aller bien. Reem est en quelque sorte enfermée là elle aussi, avec cette contradiction, ce non-sens qui la limite et qui la piège. Cadre serré, le cinéaste reste rivé sur Reem, respectueux de l’anonymat des patients détenus qu’elle reçoit. Eux sont de dos, en amorce du plan. Mais la caméra devient une présence témoin indispensable et l’adresse au médecin dévie peu à peu vers cette caméra que certains détenus finissent par chercher pour que leurs histoires et leurs discours sortent d’ici avant eux. Alors que Reem répète sans cesse que cet endroit n’est pas normal, le film tente quelque part de chercher quelques subsistances de la normalité. Peut-être dans l’inquiétude du regard de la médecin étranger à ce lieu, ce piège bien cadré, où l’on reste pour dépérir.
Clémence Arrivé
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