KAMEN – LES PIERRES
Reconstruire le passé : jamais l’expression n’a pris une signification aussi littérale qu’en République serbe de Bosnie où nationalistes et clergé orthodoxe se livrent pierre à pierre à un inquiétant trafic mémoriel après la guerre de 1992-95. Le film s’ouvre dans un bruit de chantier. « Si les pierres pouvaient parler… », regrette Hussein, imam qui reconstruit de ses mains une mosquée délibérément démolie. Mais le silence des pierres permet tout autant l’archéologie mensongère que l’édification d’un décor. D’Améla qui archive seule les traces destinées à documenter le génocide au TPI de La Haye, au récit sidérant d’un couple de professeurs musulmans rentrés après la guerre, Kamen se refuse à monter en parallèle les paroles, à les faire débattre en post-production. Chaque « bloc » se suffit à lui-même tout en constituant une facette de la falsification de l’Histoire, et une tentative modeste de l’enrayer. Kamengrad, le village édifié tout récemment par Emir Kusturica qui l’inaugurera d’abord comme décor, semble d’abord le pendant risible, spectaculaire et fun. Mais en plaçant sa visite guidée après le témoignage de l’archiviste, Lazar nous fait regarder la mégalomanie de Kusturica d’un œil bien différent. « L’arche de Noé, je vous dis ! » résume la guide de ce futur site touristique, pointant un syncrétisme architectural oubliant dans le mythe biblique tout un pan de la culture bosniaque. (Charlotte Garson)
Sister productions
Alexandra Melot; Julien Loustau
Terence Meunier
Roland Edzar
Sister productions