Le Dossier 332
Peut-on écrire son autobiographie avec les mots des autres ? Raconter une enfance à travers le discours des assistantes sociales ? Suivre la croissance d’un corps sur des tickets de caisse consignés sous la catégorie « Vêture » ? Noëlle Pujol, séparée à la naissance de ses parents, lit en off une sélection de lettres du dossier de la DDASS qui porte son nom. Sur la rigidité du langage administratif, elle monte de beaux plans fixes tournés en Ariège, où elle a grandi. La réussite formelle de Dossier 332 tient à la lutte qu’il installe entre la distance bureaucratique et la persistance de l’attachement au lieu et à la fratrie, par-delà la séparation. Non seulement la vie bruisse jusque dans les missives officielles – le film s’inscrivant en droite ligne des travaux de Michel Foucault et d’Arlette Farge sur des archives plus anciennes. Mais dans les plans de paysages aussi, le son direct révèle la texture de l’espace, son épaisseur. L’alternance entre la ville et la montagne inhospitalière rejoue à l’image la tension entre arrachement et attachement construite en voix off. Entre sécheresse minérale et légale, le pathos de l’enfance difficile s’efface, ouvrant la voie à une écriture cinématographique singulière.
Noëlle Pujol; Pickpocket Production
Andreas Bolm
Andreas Bolm
Noëlle Pujol
Noëlle Pujol