Learning from Buffalo
Filmer l’architecture est un défi en soi. Rima Yamazaki approche celle de Buffalo par cercles concentriques et parvient à rendre à la fois la majesté d’ensemble et les détails sophistiqués de chefs-d’oeuvre tels que le Guaranty Building de Louis Sullivan. Le calme des ambiances sonores et la patience de l’observation invitent à se délecter de ces beautés tridimensionnelles, ici transcrites dans le cadre de l’écran. Mais la quatrième dimension, celle du temps, s’invite bientôt au coeur des images, alors que nous voyageons de la fin du XIXe siècle aux années 1970, durant lesquelles on ne construit plus des silos à grains, mais des HLM. Mêlant sensualité et factualité, Learning from Buffalo se nourrit de recherches qui permettent de situer les oeuvres architecturales dans le contexte qui les a vues naître. Citations et statistiques invitent à les percevoir comme des symptômes de l’histoire d’une ville. S’appuyant également sur des entretiens avec des habitants de deux quartiers différents, et sur des photographies commentées par une archiviste, le film se mue en réflexion sur la fragilité des empires modernes. Chargés de soutenir leur grandeur et d’en témoigner dans le même mouvement, les monuments se trouvent vite délaissés une fois l’heure de gloire passée, comme le sublime Larkin Administration Building de Frank Lloyd Wright, détruit moins de cinquante ans après sa construction, ou cette gare ferroviaire sur laquelle la nature reprend ses droits. Si les humains sont rares dans ces images, ils sont omniprésent en filigrane : derrière un bâtiment abandonné, il y a mille destins contrariés.
Olivia Cooper-Hadjian
Rima Yamazaki
Rima Yamazaki
Rima Yamazaki, rimayamazaki@gmail.com