Léthé
Sur l’île d’Amorgos, l’été. De petits monuments ont été érigés sur les lieux d’un accident mortel : une photographie, quelques mots, des fleurs, des objets religieux ou païens. Les défunts sont « restés là » : morts en transit, sur une route, figés à jamais.
Le fleuve Léthé, fleuve de l’enfer, permet aux morts qui le traversent d’oublier leurs souvenirs de vivants. Le soir tombe sur une petite île grecque et le bateau qui entre dans sa baie en ouverture du film, fait-il débarquer les vivants ou répartir les morts ? Avec les images des sentiers empruntés et enregistrés par le cinéaste, se monte une histoire entre ceux qui sont partis et ceux qui sont restés. De ses contemplations d’été, vont naître des plans intuitifs et sauvages, des plans fougueux, pour composer une croisière funeste. Sur les chemins de l’île ont été semées de petites stèles commémoratives en hommage aux disparus. Faisant partie intégrante du paysage, elles s’imposent en dernières habitations de l’île qui se dévoile en leur présence. La caméra se rapproche des visages graves sur les stèles, ceux de jeunes hommes trépassés sur le bord des routes qu’ils hantent à présent, saluant les passages de celles et ceux qui passent et repassent. Leurs jeunes visages reviennent sans cesse et pour les vivants traversant le film de Christophe Pellet, impossible alors d’oublier les morts. Où mène le chemin vers l’oubli ? Au crépuscule les chats se découvrent, créatures psychopompes, conducteurs des âmes des morts, reliant l’ici à l’au-delà, guidant ceux qui s’en vont. Dans la nuit, leurs yeux sont les dernières lueurs accessibles. Ils s’associent au tonnerre, ouvrant la brèche nécessaire à l’ultime traversée.
Clémence Arrivé
Cécile Vacheret
Christophe Pellet
Sedna Films, sednafilms@free.fr