Nocturnes
Toutes les semaines, l’hippodrome de Vincennes, dont les nocturnes sont manifestement peu fréquentées, devient le royaume d’une poignée de jeunes hommes que Matthieu Bareyre filme pendant un an et demi. « Je suis en train de regarder mon poulain voler ! » : dans la splendeur cinégénique de la nuit et le sillage de la célérité des chevaux, Mehdi, Jimmy, Safir et Kader investissent le lieu déserté. Intégrant d’emblée le système de caméras et de moniteurs de l’hippodrome à son travail sur l’image, le cinéaste s’écarte d’une sociologie attendue (le désœuvrement d’une certaine jeunesse) pour interroger la relation au spectacle. Devant si peu de public, les courses semblent réduites à leur médiatisation – à l’opium du peuple que constituent les paris. Mais même baignés dans une déprimante musique d’ambiance, les jeunes hommes ravivent cet espace, s’y taillent une liberté inédite. Le montage rend avec subtilité la circularité répétitive de leur rite, mais il nous amène aussi à accommoder notre regard et notre écoute à une exaltation d’abord vue comme une simple échappatoire. Entre discussions sur les marques de portables et impression que les spectateurs font corps avec les chevaux, Nocturnes fait de ces rendez-vous hebdomadaires une forme discrètement subversive. Les crieurs survoltés refusent le profil bas d’un bonheur moyen dont les moins fortunés d’entre nous sont aujourd’hui priés de se satisfaire. (Charlotte Garson)
Matthieu Vassiliev; Matthieu Bareyre
Tristan Pontecaille
Amine Berrada
Alter Ego Production / Novanima
Alter Ego Production