Parler avec les morts
Vingt-cinq ans après la guerre, un charnier est découvert au nord de la Bosnie. Darija Vujinovic sillonne le pays à la recherche des familles des disparus. Elle recueille leurs souvenirs et les quatre gouttes de sang nécessaires pour identifier les corps…
Dans une forêt de sapins au nord de la Bosnie, on déblaie des pierres sur un flanc de colline. Un nouveau charnier a été découvert là, en 2017, vingt-cinq ans après la guerre. Au milieu des agents de police et des familles éparses, quelques scientifiques en blouse inspectent les ossements. Plus tard dans leur laboratoire, ils tâcheront de reconstituer des corps entiers, qu’il faudra encore identifier. C’est à Darija Vujinovic qu’il revient, dans ce tiers supérieur du pays et depuis plusieurs années, de mener avec toujours moins de moyens ces laborieuses recherches, traverser le pays d’une maison à l’autre, rencontrer les familles qui attendent qu’on identifie leurs disparus, prélever sur les vivants quatre gouttes de sang pour le laboratoire et remplir des formulaires ante-mortem en écoutant leurs récits de guerre et de disparition. Le film de Taina Tervonen suit les enquêtes au rythme dicté par l’extrême dignité de cette tâche technique et solennelle, qui est, du laboratoire au secret des familles, une entreprise littérale et obstinée de reconstruction. Reconstruction des cadavres, reconstruction du lien qui manquait entre les vivants et leurs morts, tandis que le film, patiemment, fait émerger une image claire du temps qu’en vérité, il faut à une guerre pour finir. C’est ce temps que sillonne Darija Vujinovic, autant qu’elle sillonne la campagne bosniaque parmi les familles usées par l’attente.
Jérôme Momcilovic
Delphine Morel (TS Productions)
Mika Mattila, Taina Tervonen, Pascal Auffray
Taina Tervonen
Amrita David
TS Productions, dmorel@tsproductions.net