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Praline®

Jean-Hugues Berrou
2006 France 49 minutes Français

Rimbaud n’est pas mort, il vit parmi nous. À Charleville Mézières, sa tombe est l’objet de toutes les sollicitudes : de la municipalité aux admirateurs de son œuvre, de son fan-club mondial au facteur qui lui apporte son courrier. On rencontre aussi dans la ville de personnages qui voient le monde comme un réseau de correspondances inouïes et d’analogies fulgurantes, du SDF passionné de livres à l’archéologue amateur qui trouve dans les fossiles les sources du génie de l’auteur du Bateau ivre. Sa tombe est devenue l’autel de curieuses cérémonies, d’hommages « touristico-gothiques » où chacun y va de son rituel, le lieu de rendez-vous d’une vaste confrérie où les âges, les milieux, les nationalités, les classes sociales se côtoient en s’ignorant. Seuls les deux ouvriers du cimetière savent. Pour eux aussi, Rimbaud continue à vivre, mais d’une manière plus intime, plus intérieure. Ce n’est pas un dieu littéraire qu’on encense, ni un mort-vivant avec qui on vient faire la fête, c’est une tombe parmi d’autres, qu’il faut entretenir et orner de fleurs. Rimbaud fait partie de leurs morts, de leur famille. Leur regard prosaïque est aussi plus juste, plus sensible, plus complice. Rimbaud, c’est d’abord ces deux tombes identiques du poète et de sa mère, dont le côte à côte perpétuel résume ad æternam, en un raccourci cruel, la tragédie de son existence. La monumentalité littéraire de Rimbaud se résume, à leurs yeux, à une sobre dalle blanche qui ne se distingue guère des autres, et qu’on ne remarquerait pas si le nom du poète n’y était pas gravé. Si la platitude des vers au cher disparu d’une tombe voisine les touche plus que la poésie de Rimbaud, ils savent par contre comment la terre ronge les cercueils et les corps. Ils la ressentent si bien, cette terre, qu’ils n’imaginent pas ne pas y être inhumés à leur tour. De fait, ils sont les seuls à s’intéresser vraiment à la dernière demeure de Rimbaud – à la voir non pas comme une fosse mais comme un jardin. (Yann Lardeau)

Production :
Jean-Hugues Berrou
Montage :
Jean-Hugues Berrou
Son :
Jean-Hugues Berrou
Photo :
Jean-Hugues Berrou

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