Souvenirs de la Géhenne
Dix ans après le meurtre raciste d’un jeune Maghrébin par un quadragénaire du cru, Thomas Jenkoe revient à la Grande-Synthe, dans le Nord, où il a grandi et où le Front National remporte d’importantes victoires électorales. Lisant en voix off des déclarations issues du dossier d’instruction qu’il a pu lire à titre exceptionnel, il entrelace d’impressionnants plans du paysage urbain avec des témoignages recueillis sur place, récits, rumeurs, commentaires. Le tressage se fait de plus en plus serré, et ce qui n’apparaissait au premier abord que comme des traits architecturaux participe à la dramaturgie infernale de la « Géhenne ». Rarement le fait-divers aura été ainsi creusé, autant du côté du parcours de vie de la personnalité borderline du tueur que de la prise de vues diurne et nocturne d’une ville « ceinte » par un immense complexe industrialosidérurgique (ArcelorMittal, une ville cachée dans la ville). Entre une beauté apocalyptique amplifiée par le Scope et un urbanisme mal pensé, le paysage ne fait cependant pas l’objet d’un discours. S’ils font écho au processus d’amalgame qui conduit à l’irréparable, le montage et le mixage mettent ici en tension des échelles, restituant cinématographiquement un malaise contemporain qui dépasse de loin les frontières de la Grande-Synthe.(Charlotte Garson)
Guillaume Massart
Pierre Bompy
Thomas Jenkoe
Cinaps TV / Triptyque Films
Films de force majeure