Terre d’usage
L’Histoire – l’Histoire de France, telle qu’on la fabrique, de toutes pièces, telle qu’elle nous aliène et nous enferme, l’Histoire comme fiction et mensonge d’État, est le thème de ce film, qui commence fort, avec la célébration d’un monument de l’art pompier, Vercingétorix se rendant à César de Lionel-Noël Royer, origine non du monde mais bien de la fiction française, où les fantasmes de résistance et d’invasion peuvent se mirer à l’infini. Capitale occasionnelle de cette fiction historique : Clermont-Ferrand, au cœur de l’Auvergne, entre Alésia et Vichy, hier et aujourd’hui, la région et le monde, berceau d’un capitalisme familial devenu multinationale (Michelin) et héritière d’une conception féodale des rapports sociaux avec ses communes chics dans les hauteurs et ses quartiers plébéiens dans la cuvette. Un antagonisme inscrit dans le sol jusque dans les tombes. Clermont Ferrand ici est une réduction de la France, avec ses travers et ses qualités, ses racines protéiformes et ses contradictions. À une droite politique savourant à l’extrême, dans un cérémonial figé, son pouvoir de naturaliser l’immigré fait écho d’un côté le pavillonnaire algérien recruté jadis par Michelin, de l’autre le discours d’investiture du nouveau président de la Chambre de commerce et d’industrie, fier de ses origines, de son père immigré portugais clandestin et attaché à un capitalisme industriel. La France est un pays admirable pour sa cécité : sa main gauche ignore ce que fait sa main droite. (Yann Lardeau)
Alter Ego Films; ADR Productions
Philippe Boucq
Damien Turpin; Philippe Baudhuin
Antoine-Marie Meert
ADR Productions