TROIS CENTS HOMMES
Cette immersion dans un lieu d’accueil de nuit de Marseille insiste d’emblée sur son seuil. La porte est en effet le point névralgique de ce refuge d’hiver pour sans-abri : horaires à respecter, interdiction des bagarres et de l’alcool, euro symbolique à verser au guichet, bon de petit-déjeuner…. Un ensemble de règles que, plutôt que quasi-carcérales, beaucoup prennent comme structurantes. Le contraste peut frapper entre les moments de prière solitaires du responsable de ce Centre St Jean de Dieu et l’énergie quelque peu gueularde qu’il déploie lorsqu’il doit faire désinfecter les étages. Commençant son approche plutôt du côté de l’encadrement – portes, murs et personnel -, le film progresse bientôt vers la sociabilité partagée de trois cents hommes, certains étonnamment jeunes, qui parlent cinéma, formation professionnelle, goût pour les dictons ou engagement pour la SPA. Dans cette étrange conversation, le documentaire d’observation pure laisse insensiblement la place, notamment via un usage subtil de la musique, à une théâtralité de plus en plus affirmée. De l’humour parfois beckettien qui en émane (on songe à la citation d’En attendant Godot entendue dans Welfare de Wiseman), quelque chose de l’urgence est exorcisé. La circulation de la parole contredit l’insulte suprême lancée par l’un des hommes tenu au-dehors par son alcoolisme : « Ici c’est tous des morts-vivants ! ». (Charlotte Garson)
Les Films de l'air
Sophie Reiter
Aline Dalbis
Emmanuel Gras
Sophie Dulac Distribution