UN MENSCH

Dominique et Didier vivent ensemble. Tandis que la mort rode, Dominique filme les précieux instants d’un grand amour.

L’homme que salue ce beau titre partageait la vie de Dominique Cabrera depuis 1995, année d’un film qui, entre autres sujets, avait celui de leur rencontre. Avec Demain et encore demain, Didier Motchane, figure de la vie intellectuelle et politique française, entrait simultanément dans la vie et dans l’œuvre de la cinéaste, dont c’était le premier long métrage. Un Mensch montre comment il en disparaît, emporté par un cancer contre lequel il fut convenu de ne pas lutter. Les moments assemblés par ce film comptent au nombre des derniers que le couple a partagés, et ce serait des moments ordinaires s’ils n’étaient, fatalement, très occupés par l’idée de la mort qui vient. Parce qu’elle occupe les conversations, bien sûr, mais surtout pèse comme une ombre sur les nombreux moments de silence (Didier lit le journal, Dominique le regarde en le filmant) tout juste percés par ses mots à elle, pour affirmer doucement : « On est bien, là » ou « On est bien, ici ». Autant dire : on est bien là. Sur tous ces blocs de présent très nu, très calme (il n’y a personne d’autre dans le film qu’eux deux, rien d’autre que leur compagnonnage), pèse la conscience aiguë qu’un moment est vécu – puisqu’il compte parmi les derniers. Dans Demain et encore demain, à propos d’un bête morceau de pain, Cabrera disait : « Je veux le filmer parce que je veux le voir. » Ici, elle dit à l’amoureux sur le départ : « Je te filme pour te regarder tout à l’heure », et on ne saurait, de nouveau, donner définition plus limpide du cinéma.

Jérôme Momcilovic

Lire aussi l’entretien avec Dominique Cabrera.