Masa’ibo Qawmen
« Dans le quartier de Shiah, à Beyrouth-Ouest deux cent cinquante mille musulmans chiites chassés du Sud-Liban par l’armée israélienne en 1979 – une population riche, des commerçants – vivent dans la psychose de l’attentat aveugle. […] Rituel lent avec deux personnages faulknériens : le premier, Haj-Ali, est un entrepreneur de pompes funèbres, un croque-mort qui a appris son métier en 1976 pendant la guerre civile et qui utilise volontiers la plaisanterie macabre (il remercie le Bon Dieu de lui donner chaque jour « son mort quotidien » et ne cache pas sa préférence pour la fréquentation de l’autre monde : « C’est plus peinard »). Haj-Ali, l’opportuniste par excellence. Le deuxième héros, plus fascinant peut-être parce qu’il résume le drame libanais, est un « combattant » sorti sain et sauf d’une bataille au cours de laquelle il avait été capturé puis relâché par les milices de droite parce qu’il était muet. Cet homme dont on ne sait pas le nom fait penser à ces personnages prophétiques, fatalistes, qui miment par gestes la tragédie guerrière, qui parlent jusque dans leur mutisme. Il est aussi le symbole de l’impuissance du peuple libanais devant ce que les commerçants du souk nomment « le complot invisible » des gens venus d’ailleurs. Soleil de plomb, comme dans les tragédies grecques. Mais aussi la vie à l’ombre, la vie grouillante, mercantile, et brusquement l’explosion sourde, le long silence et la panique. » (Extrait de Marc Giannesini, Le complot invisible, Le Monde, 1er juillet 1982) Sur l’écran de télévision que regardent les marchands, un diplomate américain prévient : « Mes chers amis, vous êtes en quarantaine. Le Liban est une quarantaine. Vous représentez un danger pour nous et nos alliés, et même pour nos adversaires. Vous savez bien le premier souci du responsable d’une quarantaine : il ne se préoccupe pas de la vie de ceux qui sont à l’intérieur, mais il cherche surtout à préserver la vie de ceux qui sont à l’extérieur.»
Antenne 2
Chantal Piquet
Michel Brethez
Lionel Cousin