Grabigouji, la vie de la disparition
Entre Paris et New York, Brigitte Cornand converse avec celle qui, de voisine et objet d’étude, est devenue son amie. Acheter livres ou objets, filmer l’appartement de son enfance : Louise Bourgeois met dans ces missions tout l’entêtement d’une artiste confiante dans ses intuitions. Après Chère Louise (1995), C’est le murmure de l’eau qui chante (2003) et La Rivière gentille (2007), Grabigouji porte à peine la marque de l’absence à venir (Bourgeois est morte en 2010). De son dispositif téléphonique émerge une intimité fondée sur la langue maternelle commune. Emigrée aux Etats-Unis de longue date, le sculpteur a un rapport jubilatoire mais lacunaire au français. Oublis et résurgences lexicaux font affleurer une inspiration tendue entre la matérialité brute des objets et l’invocation incantatoire d’une époque disparue. Bourgeois dit de ses collections qu’elles constituent « une défense contre la peur de la désintégration ». La cinéaste pourrait en dire autant des plans tournés au cours des ans. En un dernier envoi, ils ressuscitent la vivacité juvénile de l’artiste et l’inimitable grain de sa voix.
Centre Pompidou; Brigitte Cornand; Films du Siamois
Julien Rey
Jacques Guillot