Flowers Blooming in Our Throats
Filmée en 16 mm juste après le confinement lié à la pandémie de Covid-19, une description de l’équilibre fragile sur lequel repose notre quotidien domestique. Les gestes demeurent ambigus au niveau symbolique et expriment une forme de violence qui n’est pas immédiatement discernable.
Il y a peut-être une vertu à concéder à la crise sanitaire et à l’épreuve du confinement : celle d’avoir permis, dans la blancheur d’un quotidien ramené à sa plus simple expression, une attention renouvelée à l’infra-ordinaire. Ainsi des gestes, d’apparence anodine, dont le film d’Eva Giolo fait le répertoire raisonné : ouvrir une fenêtre ou un tiroir, brosser des cheveux longs, couper un fruit, faire rouler un élastique le long d’un poignet ou donner à une toupie l’impulsion nécessaire à son précaire équilibre. Et puis, d’un corps à l’autre, pour l’autre, contre l’autre : serrer, étreindre, caresser, masser, frapper par jeu. Cette pantomime que l’habitude a rendue invisible, il s’agit donc de la regarder, en commençant par l’écouter, pour mieux la sentir – Flowers Blooming in Our Throats a cette qualité haptique des films soucieux de la musique des choses. Et s’il faut tendre l’oreille, c’est que ces gestes ont quelque chose à dire. Car si leur exécution ritualisée pour la caméra donne tant l’impression d’avoir affaire à une pièce miniature de Pina Bausch, c’est que l’étreinte ne demande ici qu’à révéler son substrat d’emprise. Il suffit d’un filtre rouge, glissé devant l’objectif comme une épreuve de vérité, un filtre couleur de sang emprunté au Marnie d’Hitchcock, pour déjouer la douceur apparente de leur chorégraphie. C’est le prix d’un regard et d’une écoute aussi profonds, que de révéler l’arrière-monde de pulsions furieuses tapi sous la physionomie rassurante du quotidien.
Jérôme Momcilovic
Fondazione In Between Art Film, Elephy
Eva Giolo
Simonluca Laitempergher