La strada per la montagne de Micol Roubini
Le point de départ est une image, élément constitutif de la mémoire familiale de la réalisatrice italienne. Datée de 1919, elle présente une maison en bois située peut-être aux abords du village natal de son grand-père, dans l’ouest ukrainien.
Micol Roubini se rend sur les lieux pour explorer l’espace géographique de ce village, emportant avec elle une équipe de tournage, la photographie et les fictions personnelles dont elle a entouré l’image en vue de les inscrire dans une réalité.
Et sur place, la réalité c’est un mur et des armes tenues par des hommes.
Sur place, la réalité c’est aussi la méfiance des villageois et cet autre mur dressé pour garder tout ce dont ils ne veulent pas parler. Les remparts continus qui empêchent l’accès à son passé, la réalisatrice essaie de les dépasser en se frayant un chemin à travers la montagne.
Les fictions personnelles sont parties prenantes d’une réalité plus large et l’expérience individuelle fait toujours partie d’une expérience collective.
Si initialement il était question de chercher des signes de la fiction dans le réel, très vite, l’équipe de tournage, avec l’aide d’un chauffeur de taxi et d’un ancien résistant, devra essayer de déceler les signes de réel dans les fictions.
Le territoire indistinct et inaccessible suscite l’exploration déterminée de l’entour pour peut-être en définir les contours, mieux le cerner et en donner une forme en creux.
Ainsi, La Strada per le montagne se construit autour de ce manque : fonctionner par échos et par reflets paraît être la seule façon de voir de l’autre côté des murs.
La réalité du village de Jamna interdit l’accès à ce morceau de territoire, mais le film tient ouvert un espace qui en autorise son exploration.
Mathilde Nodenot