Louis et les langues
Louis, un jeune homme traité pour schizophrénie, vit avec sa mère et son beau-père. Il refuse sa langue maternelle, l’idiome anglais qui est pourtant parlé par chacun autour de lui. Il se réfugie dans l’étude de langues étrangères, inventant des gestes de défense et des rituels de survie. Inspiré par le livre “Le Schizo et les langues” de Louis Wolfson.
Auteur en 1970 d’un livre majeur, Le Schizo et les langues, publié chez Gallimard et préfacé par Gilles Deleuze, Louis Wolfson est un écrivain new-yorkais précocement diagnostiqué schizophrène et soumis à des traitements lourds, qui conçut en réaction son propre système de traduction spontané de l’anglais dans un sabir inventé pour éloigner sa langue maternelle. Une trop grande proximité déclenche cette défiance envers le langage, puis une fuite vers d’autres langues ; c’est pareillement au plus près de la perception auditive que le film d’Aurélien Froment restitue cette subjectivité. Louis et les langues prend la forme d’un voyage visionnaire, évoquant d’anciennes aventures intérieures en technicolor, dans le labyrinthe osseux d’une oreille humaine anonyme conservée au Musée d’anatomie de l’Université d’Édimbourg. À travers le conduit auditif, le spectateur peut percevoir des signaux lumineux du monde extérieur, et entendre des séquences sonores empruntées aussi bien à Fred Wiseman qu’à des archives psychiatriques se rapportant à une enfance passée dans le cadre de l’institution psychiatrique. Ainsi Froment entend-il rendre tangible la relation d’un être au monde à travers le son, du plaisir de l’apprentissage des langues au refus ultérieur de parler et au retrait dans un monde sonore et non-verbal. À travers une forme expérimentale semblable à un état hypnagogique, capable de rendre compte d’une relation au monde suspendue entre une promiscuité étouffante et une séparation radicale, le film questionne l’exigence de lisibilité d’une époque qui prétend jouir d’une communication sans entraves et substitue l’intelligence artificielle aux ruses de l’esprit.
Antoine Thirion
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Aurelien Froment
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Aurélien Froment
Galerie Marcelle Alix demain@marcellealix.com