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Un tournage à  la campagne

Alain Fleischer
1994 France 90 minutes Français

Un documentaire établi à l’initiative de la Cinémathèque française par Alain Fleischer d’après les rushes non utili­sés du film de Jean Renoir, Une partie de campagne. Ce montage permet de mieux comprendre la personnalité des acteurs principaux du film, ainsi que les caractéris­tiques des personnages qu’ils incarnent. Un éclairage sur Jean Renoir, maître de la direction d’acteur.

On va vérifier, avec Un tournage à la campagne, que le film achevé commence à l’arrivée à la campagne, et non par le voyage depuis Paris, début de la nouvelle de Maupassant. Des plans tournés qui respectaient la nouvelle de l’écrivain sont ainsi abandonnés, certains un peu plats, la charette, l’homme sur le vélocipède, les enfants avec les animaux sauvages. (…) Le génie de Renoir est de construire des plans où les lignes ne sont jamais frontales – tout un jeu d’obliques qui ne figent jamais, serpentines ou sinusoïdales – et de faire que jamais un cadre ne soit fini, qui conserve une part d’inachevé, une capacité de surgissement, d’entrées et de sorties par la caméra, le fond, la droite la gauche. Tout fait surprise, même un goulot de bouteille qui surgit au premier plan, à l’occasion d’un contrechamp. Le cadre sert non pas à piéger le monde, mais à le capturer en flagrant délit de surprise. C’est le « comme si » de Renoir, comme si la caméra n’était pas là, comme s’il n’y avait pas de travail, en quoi consiste précisé­ment tout son travail. Les acteurs y trouvent leur liberté, à travers le filmage d’une espèce de vibration ou, pour utiliser une expression de Renoir, « d’air du temps », sensation qu’il est le seul cinéaste à procurer. Attentif dans la direction d’acteurs, il ne laisse pas passer une seule faute, mais ce qui lui importe, c’est d’obtenir ce ton faux d’artifice théâtral qui, mêlé à un dialogue direct, sonne comme la vérité. S’il est vrai qu’on ne filme qu’une idée et plus généralement la pensée, Renoir fonde son cinéma sur la formule shakes­pearienne. Nous sommes dans le monde comme s’il était une scène, en train d’y jouer un rôle qui est quelquefois, mais rarement, notre rôle. Improvisation apparente, spon­tanéité apparente, vérité apparente : telle est la vie, où toute vérité est vraie à un instant, et mensongère à l’autre.

Jean Douchet (catalogue Entrevues Belfort, 1996)

Production :
Les Films du Panthéon
Image :
Jean Renoir
Son :
Joseph de Bretagne
Montage :
Alain Fleischer
Contact copie :
Forum des Images

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