Allo chérie
De sa voiture qui parcourt Beyrouth, une femme – la mère de la cinéaste, qui lui dédie cet essai – appelle au téléphone ses banques, son avocat, ses amies, ses créanciers et leurs intermédiaires. « Norma, chérie, qu’il me signe le chèque aujourd’hui ! »… Les « chérie » prodigués aux secrétaires n’y font rien : Jeannette se dit à bout, épuisée par le souci et l’insomnie, même si sa capacité à enchaîner les appels suggère qu’elle a encore du carburant verbal à revendre. Intermèdes amicaux, les échanges avec ses amies soulignent plutôt le fossé entre l’urgence angoissante de sa situation (« J’ai peur qu’ils kidnappent mon fils ! J’ai travaillé avec des voyous… ») et l’humeur badine de certaines interlocutrices (« Une femme de 110 ans a accouché hier. »). La succession rapide de ces coups de fils, alliée à une déambulation qui paraît circulaire (le plan sur la grande roue de foire immobilisée), mêle à l’angoisse teintée de léger suspense une absurdité qui s’extrait des seules circonstances pour prendre une dimension existentielle. Négociation, lamentation, confidence, supplique : le montage de ce marathon langagier met bout à bout les différents discours, butant contre le nerf de la guerre : l’argent. (Charlotte Garson)
Danielle Arbid; Orjouane Productions
Danielle Arbid
Emmanuel Zouki; Olivier Touche
Sabine Sidawi
Danielle Arbid