Capital retour
Un discours de la célèbre cinéaste transgenre Lana Wachowski, samplé et remonté par Burial dans le morceau « Come Down to Us », résonne dans la B.O. sophistiquée de Capital Retour au moment où sa protagoniste, devant sa webcam et nue sur une fausse fourrure, offre une « brève vue générale » d’elle-même : 1m82, 70kg, née dans les années 80 « mais pas plus sage pour autant » ; strasbourgeoise, allemande dans ses papiers mais française dans sa culture ; omnisexuelle et intergenre – c’est-à-dire refusant de se laisser enfermer dans l’habituelle alternative binaire. « Ce monde que nous imaginons ici dans cette pièce, peut servir d’accès à d’autres pièces, d’autres mondes, inimaginables auparavant. » Ce passage, Léo Bizeul le retient pour principe structurel de son premier long-métrage, en ne cessant de contrarier la logique de l’égo-portrait désormais si prégnante, via selfies et webcams, dans le cinéma contemporain. Ce qui aurait pu être un nouveau portrait de camgirl devient autre chose de plus étrange et de plus ample qui touche – la précision formelle et le goût pour l’indétermination de Bizeul en témoignent – à l’histoire de l’art : un rapport sans fard au grotesque (aux grottes : les chambres d’où nous proviennent ces images y font penser) qui évoque le champ théorique parcouru par Hal Foster dans son célèbre essai « Obscène, abject, traumatique » et qui représentait selon l’historien d’art, via Mike Kelley ou Cindy Sherman, l’une des modalités possible d’un retour du réel.
Antoine Thirion
Léo Bizeul
Léo Bizeul
Augustin Soulard, Charlotte Cherici, Léo Bizeul
Léo Bizeul