Chaiqian
Il faut attendre le générique de fin pour savoir où nous sommes. À Chengdu, dans le Sichuan, durant l’été 2007. Entre-temps, nous aurons flotté au-dessus du vide et du chaos comme ce Bouddha replet du premier plan suspendu à son portable et trônant seul en bermuda et socquettes blanches sur une plateforme surplombant un océan de gravats. Ce premier plan évoque plus un naufrage que la rénovation d’un quartier du centre-ville. Hormis les tours perdues dans le lointain, la ville n’existe pas ici. A la place, un gouffre où survit une petite communauté d’hommes. Il est difficile de ne pas voir dans cette illustration du dynamisme de l’économie chinoise, dans cette figure moderne des grands travaux impériaux, l’image de la fin d’un monde. Les ouvriers du chantier sont des paysans originaires du district de Renzhou. Aussitôt le terrain déblayé, ils sont repartis chez eux, ni vus ni connus. La ville les a ignorés. De là, le jeu de ces hommes avec la caméra de l’étranger, doublement étranger du coup, ces jeux de miroirs répétés, tu me filmes, je te photographie – enfin quelqu’un qui me voit, qui me parle. Un soir les travailleurs décident de sortir de leur trou et de passer dans l’autre monde, de se prendre en photo au pied d’une statue du Président Mao saluant les foules. Surgit aussitôt une policière qui leur reproche d’apeurer les touristes. Ce qui faisait la fierté du communisme chinois hier, l’ouvrier, le paysan, est devenu la honte du régime. « Cache-toi objet ! » L’ennemi, c’est le peuple. (Yann Lardeau)
Film Study Center at Harvard University
J.P. Sniadecki
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J.P. Sniadecki
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