earthearthearth
L’aube point où la terre est chair, Où les os sont échos ; Tu as survécu à des extinctions – D’étoiles, de cieux, de sable, de mers ; Enfin le futur nous rattrape, Et tous les morts sont devant nous.
Cinéaste expérimental japonais basé à Montréal, où il a cofondé le Double Negative Collective, Daïchi Saïto fut l’un des trois artistes invités par la curatrice canadienne Oona Mosna à filmer dans la Cordillère des Andes au sein d’Underground Mines, un programme dont est déjà issu Altiplano de Malena Szlam (Cinéma du Réel 2019). Non moins somptueux, earthearthearth adopte une stratégie formelle très différente, préférant la majesté statique des paysages en 35 mm à leurs particularités géologiques. Cinq années ont été nécessaires pour que le film émerge des secrets et des contingences du travail photochimique. C’est dire toute la prudence que l’idée du paysage inspire au cinéaste ainsi que sa curiosité pour ce qu’il recèle et donne à sentir, sa réticence à en représenter simplement la beauté pour la reconduire plutôt dans la matière même de la pellicule. Saïto revendique la planéité haptique de l’image, où la crête des montagnes divise des masses vibrantes. Les images sont comme des morceaux prélevés dans la roche, longuement soumises à des processus chimiques analogues à ceux qui érodent la terre. Offertes comme dans Engram of Returning (2015) à l’improvisation structurelle du saxophoniste Jason Sharp, qui utilise la cadence de son rythme cardiaque et agit en retour sur lui à travers une pratique de respiration circulaire, elles forment une méditation impressionnante et hypnotique sur l’instabilité de la matière, le devenir de la terre et la nécessité de penser les choses en relation.
Antoine Thirion
Daïchi Saïto, Oona Mosna
Daïchi Saïto
Jason Sharp