Erie
Sept scènes filmées à Buffalo, à Cleveland, à Mansfield et aux chutes du Niagara présentent des personnages chargés de réaliser une activité pendant une durée de onze minutes – l’exposition en temps réel d’un rouleau entier (122m) de pellicule 16mm.
S’il s’agit à première vue d’un portrait de la vie quotidienne dans la région du désigné comme tel « Grand Lac », Erie expose dans sa deuxième séquence l’antispectacle warholien d’une jeune fille filmée en plan moyen devant un triste mur en béton et fixant une bougie en silence pendant un peu plus de dix minutes. En intégrant cette scène directement après l’intertitre initial, Everson prépare efficacement les attentes et les sensibilités des spectateurs à ce qui va suivre : une série de vignettes décontextualisées dans lesquelles les plaisirs abstraits (telles que la méditation sur le temps qui passe et l’étude de l’évolution de notre silhouette sur de longues périodes) précèdent tout éventuel contenu explicatif. Hormis une scène où trois anciens employés d’une usine de General Motors discutent des conditions relatives à leur métier, Erie se garde de tout commentaire sur les structures sociales spécifiques aux lieux choisis, qui vont des chutes du Niagara à une banlieue quelconque de l’Ohio. En revanche, le film se focalise de façon hypnotique sur le sujet de la persévérance quotidienne au sein de la communauté noire, que ce soit à travers l’étude prolongée d’un homme tentant d’ouvrir, par des mouvements énergiques, la portière coincée de sa voiture, ou la séquence virtuose, filmée dans une salle municipale, où la caméra alterne entre deux musiciens s’entraînant à jouer une ballade au piano et un groupe de break-dancers répétant leur chorégraphie avec vigueur : de ces signaux sonores antagonistes, la caméra vagabonde d’Everson fait à la fois ressortir chaos et harmonie.
Harvard Film Archive
Picture Palace Pictures
Kevin Jerome Everson
Fernando Alvarez
Zoe Scruggs, Mario Dade
Picture Palace Pictures, picturepalacesale@yahoo.com