ESPACE
« Les garçons nous interdisent de jouer au foot à l’école ». Papier et crayon à l’appui, une petite fille détaille la répartition des jeux dans la cour de récréation de son école. Reconfigurant sans cesse son croquis, elle y délimite différentes zones d’exclusion, grands carrés, petits cercles, enclos sportifs à contourner : autant de limites sans cesses débordées par les garçons. De quotidien, le problème s’entend de plus en plus comme une dynamique à l’œuvre entre les sexes, la cour s’offrant en microcosme. Guerre de territoire ? Occupation plutôt, et qui ne semble guère gêner que la dessinatrice-témoin qui elle aime le football. Bientôt l’on s’aperçoit que les filles ne sont pas seulement assignées à des zones congrues de la cour, mais bel et bien sont sommées d’être invisibles. Le plan séquence de la première partie cède le pas au montage après un inquiétant essoufflement des possibilités de solution et une forme de saturation du croquis. Le noir du milieu du film fonctionne comme une respiration. La relance vient d’abord de derrière la caméra – « Est-ce que toi, tu as vraiment envie de jouer au foot ? ». Mais la cinéaste, même quand elle questionne hors-champ, ne se pose jamais en guide, en conseillère. La réponse ne peut décidément venir que de l’intérieur du terrain, et peut-être nécessitera-t-elle plusieurs labyrinthes successifs.
Charlotte Garson
Eléonor Gilbert; Les Films-cabane
Eléonor Gilbert
Eléonor Gilbert; Benoît Chabert-d'Hières
Eléonor Gilbert
Eléonor Gilbert