Exercices de disparition
Un doigt fouille dans une boîte d’épingles à têtes colorées. Trace dans la poudreuse. Feuillette une liasse de lettres. Les gros plans des mains du cinéaste font le lien entre l’esprit qui cherche et le corps qui montre à l’ami, le philosophe Jacques Sojcher, des objets, tels des flacons de pluie qu’il recueille à sa fenêtre et étiquette – leur datation, comme une stèle miniature, primant sur leur contenu. Ces objets sont à la fois des reliques funèbres et des preuves que le monde vit, palpite, tout comme le philosophe ne voit rien de contradictoire à doubler sa passion pour Nietzsche d’un goût pour les claquettes. Mais les Exercices permettent aussi à Claudio Pazienza, que sa propre voix-off semble toujours incommoder, de s’escamoter lui-même. Quand dans un plan sidérant, on le voit allongé derrière le meuble-machine à coudre de sa mère, il se transforme quelques secondes durant en futur homme-coupé-en-morceaux. Moitié tour de magie, moitié Parti pris des choses, l’exercice de disparition prend des proportions planétaires : le cinéaste s’éclipse avec Jacques aux antipodes, passant par les sauts de puce du montage de l’Asie à l’Afrique, ou le fait grimper dans un cercueil en forme de poisson géant. Et si disparaître, c’était devenir enfin pure écoute ? Capter dans le noir (« rien à décrire, rien à dire ») les sons du monde qui répondent à la « déflagration de silence » de tout deuil. (Charlotte Garson)
Quark Productions; Komplotfilms
Julien Contreau
Irvic Olivier
Vincent Pinckaers
Jacques Sojcher
Komplotfilms