Exile Exotic
Il est des pèlerinages si insolites qu’ils se pratiquent sans bouger, assis autour d’une piscine. Exile Exotic est de ceux-là . Alors que sur une bande-son opératique, des chants de sirène lancinants évoquent quelque odyssée lointaine, Sasha Litvintseva, exilée russe, relate en voix off un dialogue avec sa mère qui s’est tenu face à un luxueux simulacre architectural du Kremlin. « Je suis née l’année où l’Histoire était censée finir. Mais l’Histoire se répète. » Notant l’année commune, 2004, qui vit l’érection de cet hôtel turc et le début de son exil, la cinéaste relie les deux « ex », exil et exotisme. L’exemple d’une cathédrale russe rasée par les soviétiques puis reconstruite à l’identique sans marque de cette disparition frappe l’imagination, emblématique d’un ripolinage proche du révisionnisme. Visuellement, l’eau prend en charge ces reflets trompeurs, mais ce jeu sur la surface n’est jamais superficiel, il touche au refoulement nocif d’un passé tragique. Aussi le mot « réplique », dans le sens de reproduction d’un bâtiment, vient-il ici à l’esprit dans sa polysémie : « répartie » et « second séisme ». Revoir sans revoir, revenir sans revenir, dialoguer avec sa mère sans se faire comprendre… autant de manifestations d’une impossible appartenance à un bord ou à un autre, au pays d’origine comme à la « villégiature » clinquante qui lui succède. (Charlotte Garson)
Sasha Litvintseva
Sasha Litvintseva
Sasha Litvintseva
Sasha Litvintseva
Sasha Litvintseva