Gauguin à Tahiti et aux Marquises
Gauguin à Tahiti et aux Marquises finit là où commence Une histoire immortelle : par une promenade en calèche quotidienne à l’itinéraire immuable. Assis sur sa fortune acquise à la sueur des coolies de Macao, Mr Clay pouvait laisser libre cours à sa misanthropie, s’approprier et détruire, par un simulacre, l’ultime bien des hommes qui échappait encore à son emprise, une légende courant de port en port. Au terme de sa vie, en révolte contre l’administration coloniale, conscient d’être l’ultime témoin de la fin d’un monde, Gauguin affirme avoir raté sa vie. La promenade en calèche est ici invisible. Elle n’est suggérée que par un mouvement de caméra, tant l’ombre du magnat impotent de Welles est écrasante, mais c’est bien la même histoire, le même échec que racontent les deux films, l’un côté pile, l’autre côté face. A un Clay parti faire fortune dans les colonies fait écho Gauguin, agent de change fortuné, renonçant à tout, à l’argent, à la considération sociale, à sa famille, pour fuir une société industrielle qu’il réprouve et se consacrer entièrement à son art, se retrouver seul face à un peuple dont l’art de vivre bouleverse sa vision du monde et jette les bases d’une révolution de la peinture. Entre exaltation et mélancolie, confiance et dépression, Gauguin à Tahiti et aux Marquises retrace pas à pas, à partir des toiles et des écrits du peintre, une course éperdue vers une liberté morale et artistique absolue qui se refuse chaque fois que s’entrouvre sa porte, minée par le manque d’argent, la faim, la maladie, le rejet de la critique, les persécutions de l’administration coloniale, l’hypocrisie assassine des missionnaires… (Yann Lardeau)
Les Films d'Ici
René Zumbühl; Martine Zevort
Pierre-Ives Gauthier
Richard Dindo
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