Gugara
Dans le téléviseur, un homme se flatte d’avoir donné à ses administrés la volonté de vivre : le gouverneur de la Région Autonome de l’Evenka. « Le renne est aussi indispensable à l’Evenk que la voiture à l’homme civilisé. Il partage sa vie avec les rennes, il lui donne des petits noms – un fait incroyable, difficile à comprendre pour un homme civilisé. » Mais les rennes ont disparu, les Evenks ont quitté leurs tentes dans la forêt pour des maisons en rondins, avec la télévision, le rock, et la vodka. Jeunes ou vieux, hommes et femmes, ils en meurent, empoisonnés, comme les parents de Nela. Mais la vodka ne fait que détruire extérieurement des êtres déjà morts au plus profond d’eux-mêmes, parce qu’on les a privés de leur langue, de leur religion, de leurs grandes migrations pastorales, parce que la disparition de leurs chers rennes les a privés d’eux-mêmes. Nela est belle et jeune, mais veuve et dépressive. Elle est la seule à ne pas boire, mais l’hôpital la bourre de psychotropes. « C’est sans espoir. Nous avons au moins appris le mode de vie russe. » Les Evenks s’effacent, égarés, dans un double étonnement : devant le spectacle d’une terre qu’ils ne reconnaissent plus, pas même dans les célébrations folkloriques, tant elle s’est russifée, et devant des images de leur monde d’avant la colonisation, celles d’une nature grandiose mais dont ils ont perdu jusqu’au souvenir, oubliant même que les rennes nageaient. Tout au plus reconnaissent-ils ici et là , dans les images de la propagande soviétique des années 60, des parents, des amis. (Yann Lardeau)
Centrala Sp. Z o. o.
Krakow Film Foundation
Jacek Naglowski
Andrzej Dybczak; Jacek Naglowski
Patryk Jordanowicz