Gyeong-gye
Dans ce road movie épistolaire, les sentiers bifurquent, et pour cause : trois réalisateurs de nationalité différente y campent sur des frontières mouvantes, fourchues. Tout commence avec une frontière intérieure : celle du résident étranger, dont le vertige de retrouver au supermarché local son plat préféré « de chez lui » est somme toute très doux. Et celle, symétrique, du visiteur indonésien (Rudi Haryanto) qui voit en Tokyo « un cinéma géant ». Mais le découpage de Gyeong-Gye progresse vers des sensations moins rêveuses : fossé entre le rêve des ouvriers étrangers et leur vie à Singapour, liquidation d’un quartier de Cape Town qu’une famille immigrée vit comme un déracinement… Bientôt l’altérité sur un territoire prend la forme de la ruine où seul un récit peut réinsuffler de l’Histoire, comme sur l’île indonésienne où 250 000 Vietnamiens furent recueillis il y a 40 ans. Le découpage du film intériorise la frontière, et la rend plus dolente. L’oncle de Mun Jeonghyn, résident japonais coupé de sa famille nord- et sud-coréenne depuis 65 ans, incarne à lui seul l’arbitraire de la frontière. Sans doute le bateau de l’ami de Vladimir Todorovic, construit avec des panneaux routiers, pourrait aider à se repérer dans le monde ainsi taillé sans attention pour les liens humains… Mais la crise a eu raison de ce véhicule composite. Voguer à son gré, pouvoir se repérer : ce qui devrait être le simple de l’homme n’a jamais été aussi entravé que depuis que la technologie l’a rendu possible. (Charlotte Garson)
Dimas Adrain; Vladimir Todorovic; Dedih Nur Fajar Paksi; Hobin Sun
Soohyun Kim
Erik Wirasakti; Imho Shin; Sejin Kang; Ryan; Vladimir Todorovic
PURN Production / Tadar Studio / Daniel Rudi Haryanto Film
CinemaDAL