Há terra!
« Há terra ! est une rencontre, une chasse, un conte diachronique du regard et du devenir. Comme dans un jeu, comme dans une course-poursuite, le film oscille entre personnage et terre, terre et personnage, prédateur et proie. » Ainsi Ana Vaz décrit-elle son poème cinématographique en 16 mm. Des mouvements de caméra filants semblent traquer une jeune fille métisse dans les hautes herbes. La voix off au présent s’agglomère au passé dans la myopie de la longue focale. La boucle sonore récurrente d’un homme criant « Terre ! Terre ! » convoque le lointain souvenir de la conquête coloniale. Mais la beauté du collage tient à l’impossibilité pour le spectateur de laisser « passer » ce passé : bientôt le témoignage actuel porte sur un maire qui s’est approprié par la menace les terres des indigènes. La jeune fille traquée en vient à personnifier un territoire. Nous sommes dans le sertão brésilien, où l’exclamation « há terra ! » (littéralement : « il y a (de) la terre ») peut aussi s’entendre comme l’affirmation que les sans-terre, non-possédants organisés en Mouvement depuis une quarantaine d’années, n’ont pas lieu d’en être privés. Énigmatique et fiévreux, le film vibre aussi en images et en son du Manifeste anthropophage d’Oswald de Andrade (1928), autre inspiration d’Ana Vaz : « Anthropophagie. Absorption de l’ennemi sacré pour le transformer en totem. L’humaine aventure. La finalité terrienne. » (Charlotte Garson)
Olivier Marboeuf; Ana Vaz; Spectre productions
Ana Vaz
Ana Vaz
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