HE BÛ TUNE BÛ
Dans les pas d’une famille kurde qui émigre temporairement du sud-Est du Kurdistan turc pour aller planter des salades au Nord du pays, on laisse d’abord de côté la piste du conte suggérée par le titre. Nous sommes en effet en présence d’un cinéma direct attaché à rendre la longueur du trajet en train ou la pénibilité et la dangerosité du travail ; en un mot, l’exploitation dans les grandes largeurs du plus jeune au plus âgé des membres d’une famille paupérisée. Un cinéma jamais honteux d’exposer la présence de son filmeur, qui dialogue parfois de derrière la caméra. Pourtant, comme des miettes de petit poucet, un prologue hétérogène au récit et une série de détails frappants (dont les perdrix que transporte le vieux père) brodent dans le documentaire de société un « il était une fois » qui n’attend que l’étincelle d’un coup de foudre entre adolescents pour changer de registre. Mais même quand l’histoire prend un tour inattendu, impossible d’oublier la division linguistique et culturelle entre Turcs et Kurdes. Des regards méprisants lancés à la famille paysanne devant la gare d’Ankara à l’inconfort de leur superviseur kurde aux champs, l’humiliation sociale et ethnique est montrée comme partie prenante d’une logique qui est aussi économique. Tour à tour respectueux et trépignant avec ceux qu’il filme, Öz aurait pu intituler son conte cruel Les Laitues de la colère… (Charlotte Garson)
Yapim 13 production
Kazim Öz; Semih Yildiz
Selahattin Mardin
Kazim Öz
Yapim 13 production