Holy Field Holy War
Partout dans le monde, les petits agriculteurs sont menacés. Leur lutte pour survivre se fait loin des caméras et des médias. En Pologne, un pays où plus de 60% de la surface est occupée par l’agriculture, de nouveaux acteurs sont en compétition pour s’accaparer les terres.
Réunis dans la salle communale, les villageois sont priés d’assister à l’exposé Powerpoint du dirigeant de Chevron en Pologne. Quand bien même les vibrations des camions chargés de forer le sol ont déjà craquelé les murs des maisons et causé la souillure de l’eau des sources, l’homme, entouré d’un traducteur et de la maire, entame son exposé en assurant que tout est sous contrôle et qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Les normes sont respectées – la preuve, comme le montre le slide, Chevron a signé un « engagement ». […] La confrontation qui s’engage met à nu deux dynamiques : celle de la communication contre celle de la politique. Dans la première, un corps accepte de ne plus être que le maillon d’une chaîne de discours sans origine, sans responsable. Représentation de la représentation de la représentation, corps-écran comme on le dit d’une société : discours de tout le monde et de personne, discours-logo (et il est si facile d’en changer), impersonnalité radicale. La seconde dynamique est celle, toujours magnifique et triomphante quand bien même elle aboutirait à une défaite, animant ceux qui, d’abord spectateurs, se font acteurs. Et, davantage encore, corps politique. C’est bien cela qui s’invente et se constitue sous nos yeux, dans la parole qui lie un corps à un autre, une existence à une autre, et fait sujets d’une histoire collective des individus condamnés jusqu’alors à subir.
Raphaël Nieuwjaer, Débordements.fr, 26 mars 2014
Revolt Cinema
Lech Kowalski
Emmanuel Soland
Revolt cinema, kingoutlaw@noos.fr