Il Futuro del mondo passa da qui
Cela commence comme Blow Up. Un jour d’automne embrumé, le réalisateur prend une photo d’un pont à la périphérie de sa ville. La beauté de ce paysage au carrefour de deux bras de fleuve ne masque pas longtemps une présence d’abord insoupçonnée : ces marges sont habitées. Sans les démunis, immigrés du sud de l’Italie, les gens du voyage et les drogués qui le fréquentent, ce no man’s land « serait une décharge », remarque un habitant. Que devient un squat de plein air quand il se sédentarise sur une durée de trente ans ? Une terre cultivable, dont Angelo, Gerardo et d’autres fermiers de fortune réclament la propriété. Le titre utopique du film propose de faire de cette marge un centre ; aux autres la frange. L’un des habitants, quand il évoque son ancien emploi de vigile, ne dit-il pas qu’il travaillait « dans l’enclave des gens riches » ? Pour le cinéaste, le centre du monde est ici, là où finit la route, où il n’y a plus que des pierres et de l’eau. D’où un dispositif sobre mais net : au paysage les plans fixes, aux habitants une caméra portée curieuse des bricolages de chacun, cruciaux jusque dans leur minutie car ce sont autant de techniques de survie. Ces plans très peu dialogués alternent avec des récits individuels écrits sur fond noir – un choix formel qui adjoint au projet photographique inaugural une singulière qualité d’écoute. (Charlotte Garson)
Colombrefilm
Enrico Giovannone
Mirko Guerra
Andrea Parena; Francesco Bordino; Andrea Deaglio; Francesca Frigo
Andrea Deaglio